On a beaucoup recours ces derniers temps au théâtre pour animer un cours de français et les formateurs s’ingénient à développer auprès des élèves les compétences-clés de cet outil pédagogique pertinent et original. Moi-même je saute d’un avion à l’autre pour l’enseigner.
Or, pendant que nous autres, formateurs, cherchons à améliorer le rendement de nos apprenants par cette approche participative et active, l’acteur travaille.
Il compte les pieds de ses alexandrins, recompte, se reprend, recommence, coupe, enchaîne, vérifie sa position sur les planches, fait un pas côté jardin, pose sa voix, écoute les retours, mémorise, rythme, cherche les sons purs, articule, travaille ses entrées et ses sorties, se méfie des cuirs, polit ses liaisons, fait provision d’air et de muscles, etc.
Difficile ? Mais non ! Je peux à la rigueur vous y initier au cours d’une formation. Vous pourrez même ensuite vous mettre au Théâtre-FLE dans votre classe.
Par contre, je vais vous raconter ce à quoi on ne peut former, ce qu’on ne pourra jamais faire entrer dans le champ des compétences artistiques parce que cela échappe justement à tout transfert. Je vais vous dire le secret de l’INEDIT, attendu, mais jamais semblable.
C’est, quand la salle se remplit, l’acteur, qui, écartant de ses index repliés le petit trou dans le rideau de scène, regarde « la tête » de son public. C’est l’extrême solitude de son art dans la seconde, où, au seuil de la scène béante, il va s’emporter. C’est la magie des trois mots intraduisibles, comme sortis du fond des décors, d’un ordre qui le jette sur les planches, seul et ébloui, à la rencontre de son rôle : « C’est à toi ! ».